Sur le chemin du retour, en passant par le Louvre, j’étouffe. J’ai une envie soudaine d’aller me promener dans les jardins du Carrousel. Nous discutons à ce moment-là de notre vie d’enfants gâtés, trop de chablis m’est monté à la tête et je suis dans cet état d’esprit mourant où je déteste tout. Je marche, frissonnante, le regard errant sur les pavés, et je pense tout haut:
- On vit ... comme des cons. On mange, on dort, on baise, on sort. Encore et encore. Et encore ... Chaque jour est l’inconsciente répétition du précédent: on mange autre chose, on dort mieux, ou moins bien, on baise quelqu’un d’autre, on sort ailleurs. Mais c’est pareil, sans but, sans intérêt. On continue, on se fixe des objectifs factices. Pouvoir. Fric. Gosses. On se défonce à les réaliser. Soit on ne les réalise jamais et on est frustrés pour l’éternité, soit on y parvient et on se rend compte qu’on s’en fout. Et puis on crève. Et la boucle est bouclée. Quand on se rend compte de ça, on a singulièrement envie de boucler la boucle immédiatement, pour ne pas lutter en vain, pour déjouer la fatalité, pour sortir du piège. Mais on a peur. De l’inconnu. Du pire. Et puis qu’on le veuille ou non, on attend toujours quelque chose. Sinon, on presserait sur la détente, on avalerait la plaquette de médocs, on appuierait sur la lame de rasoir jusqu’à ce que le sang gicle... On tente de se distraire, on fait la fête, on cherche l’amour, on croit le trouver, puis on retombe. De haut.
On tente de jouer avec la vie pour se faire croire qu’on la maîtrise.
On roule trop vite, on frôle l’accident. On prend trop de coke, on frôle l’overdose. Ca fait peur aux parents, des gènes de banquiers, de PDG, d’hommes d’affaires, qui dégénèrent à ce point là, c’est quand même incroyable.